
« Je crois fermement que chaque artiste a une voix unique à exprimer et il me paraît important que ces voix puissent être entendues. » D’où la création de l’association ArtEssFlow offrant une plateforme aux artistes en début de carrière pour qu’ils puissent présenter leur travail, développer leur réseau professionnel et atteindre un public plus large. Rencontre avec Florence Andreani.
©humanitelles
Humanitelles : Florence Andreani, vous êtes présidente d’ArtEssFlow, qu’est-ce qui vous a motivé à créer cette association ?
Florence Andreani : Je suis convaincue que l’art contemporain joue un rôle crucial dans la culture et la société actuelles, et plongée depuis longtemps dans ce milieu. En effet, à la Ville de Paris, j’ai travaillé dans le bureau des musées en tant que responsable de la formation des agents, formation qui concernait tous les échelons, des agents techniques aux conservateurs. C’est à cette occasion que j’ai côtoyé les conservateurs qui m’ont fait connaître leur travail et présenté leurs collections. Sans doute une porte entrouverte vers ma deuxième vie. Car, à la retraite, j’ai eu la chance de rencontrer un artiste qui m’a fait apprécier les galeries. A l’occasion d’un vernissage j’ai fait la connaissance d’un galeriste français qui revenait du Mali et faisait la promotion d’artistes qu’il avait connus là-bas. J’ai commencé à travailler avec lui. Notre collaboration terminée, j’ai décidé de monter une association. En avril 2024 naissait ArtEssFlow.
Humanitelles : Pourriez-vous nous présenter votre association ?
Florence Andreani : La mission de l’association est de fournir une plateforme aux artistes en début de carrière pour qu’ils puissent présenter leur travail, développer leur réseau professionnel et atteindre un public plus large.
En soutenant les artistes émergents, ArtEssFlow contribue à l’innovation et à la diversité dans le domaine artistique. Les efforts de l’association visent non seulement à promouvoir les artistes, mais aussi à enrichir la communauté artistique dans son ensemble. Elle soutient les actions artistiques à but social et environnemental.
Je crois fermement que chaque artiste a une voix unique à exprimer, et il me paraît important que ces voix puissent être entendues. Les expositions couvrent la peinture, la sculpture, la photographie et l’art numérique.
En plus de nos propres expositions, ArtEssFlow travaille en partenariat avec des galeries d’art pour mettre en avant de nouveaux talents. Ces collaborations permettent aux artistes de bénéficier de l’expertise et des réseaux établis des galeries, augmentant ainsi leur visibilité et leurs opportunités de carrière.
L’association offre également un accompagnement personnalisé aux artistes émergents. Cet accompagnement inclut des conseils professionnels sur le développement de carrière, des opportunités de mentorat, et des ateliers sur divers aspects de la pratique artistique, de la gestion de carrière à la communication et au marketing. Notre objectif est d’aider les artistes à naviguer dans le monde complexe de l’art contemporain et à maximiser leur potentiel.
ArtEssFlow rédige des articles et des dossiers de presse, et vient en soutien aux artistes dans leur inscription aux résidences d’artistes.
Humanitelles : Travaillez-vous en équipe ?
Florence Andreani : Présidente de l’association, je travaille avec deux autres personnes. Ifedolapo Onikoyi, la trésorière, d’origine nigériane qui a vécu et étudié en Angleterre. Elle est titulaire d’un Bachelor in Business Administration and Marketing de l’université de Greenwich. Elle a organisé des défilés de mode et des expositions avant de créer Artfrofest en 2022.
J’ai sollicité Élisabeth Petibon afin de pouvoir accéder aux galeries. En effet, elle a débuté dans les galeries du Marais avant de diriger une galerie à Paris Rive Droite. Elle a organisé des expositions en France et aux États-Unis, et elle a contribué à des événements uniques et des projets philanthropiques. Par ailleurs, elle a réalisé de nombreux films institutionnels.
Nous avons suivi chacune des formations sur le fonctionnement du secteur associatif culturel. La communication autour de l’association se fait, pour l’instant, par le bouche à oreille.
Humanitelles : En avril dernier, ArtEssFlow a participé à une exposition.
Florence Andreani : Oui ! Lors de prospection de galeries à Paris, j’ai « tilté » sur Kiff & Marais, rue des Gravilliers. Cette galerie organise sur un espace de 120 m² des expositions collectives de jeunes artistes. J’ai réussi à monter un partenariat avec cette société qui voulait planifier une exposition africaine. Elle s’est tenue du 8 au 18 avril et ArtEssFlow y a présenté quatre artistes, dont trois photographes. Je suis passionnée par la photographie.

Kiff & Marais, rue des Gravilliers ©humanitelles
Humanitelles : Pourriez-vous nous parler de ces quatre artistes ?
Florence Andreani : Commençons par Foutamata Diabaté, une photographe née en 1980 au Mali. Après avoir fait ses premières armes au Centre de Formation Audiovisuel Promo-Femmes de Bamako, elle intègre en 2002 le Centre de Promotion pour la Photographie de Bamako (CFP) qui vise à professionnaliser les photographes maliens. Elle a obtenu le prix Afrique en Création de l’Association française d’Action Artistique (AFAA), et a été lauréate 2020 des Résidences Photographiques du Quai Branly. En 2022, elle expose à la BnF à Paris, dans le cadre de la réouverture du site Richelieu. Inspirée par le travail de Malik Sidibé, elle crée son propre studio ambulant, le Studio Photo de la Rue, qu’elle promène dans le monde entier. Son travail porte principalement sur les femmes et les jeunes générations. La tradition orale, les croyances et la question de la transmission guident ses recherches depuis toujours.


Œuvres de Foutamata Diabaté ©ArtEssFlow
Présentons maintenant Andile Bahla, photographe sud-africain né à Soweto en 1987. Il vit et travaille à Johannesburg. Photographe documentaire et commercial, il estime que le but de ces photos est, je le cite : « capturer des événements et des moments quotidiens dont je peux tirer des enseignements. Il peut s’agir d’un pratiquant, d’une jeune fille qui rentre de l’école ou d’amis qui partagent un verre. Quel que soit le lieu ou l’expérience, ces images décrivent la vie en Afrique du Sud de mon point de vue. »


Œuvres d’Andile Bahla ©ArtEssFlow
Poursuivons par Obodjé, né en 1992 à Agboville en Côte d’Ivoire. C’est un artiste autodidacte qui vit et travaille à Abidjan. Les formes et les signes développés par Obodjé sont indemnes d’influences issues de la traduction artistique ou de références académiques. « Né dans un village en lisière de forêt, dit-il, j’aimais écouter la parole des anciens. Lors de mes promenades naissaient de nouveaux paysages subjectifs. La peinture est un moyen de me connecter aux liens sacrés qui me lient à mes ancêtres. »


Œuvres d’Obodjé ©ArtEssFlow
Terminons par Richard-André Perron, un Français né à Rouen en 1971, qui après avoir passé toute son enfance et son adolescence en Nouvelle-Calédonie, a décidé en 1984 de se poser au Mali. Grand amateur d’art et de culture, il a constitué, au fil des ans et de ses pérégrinations, une collection riche et diversifiée. Pérégrinations au cours desquelles il exerce en amateur son autre passion : la photographie. L’humain est au cœur de ses photos. Ce qui l’intéresse est la beauté intérieure de ses modèles.


Œuvres de Richard-André Perron ©ArtEssFlow
Humanitelles : Vos projets ?
Florence Andreani : J’aimerais élargir cette démarche à l’Asie du Sud-Est. J’ai voyagé au Vietnam, au Cambodge, au Laos, dans le sud de la Thaïlande. J’y ai visité beaucoup de musées et, au cours de mes pérégrinations, j’ai pu constater que l’art restait très traditionnel, avec l’utilisation d’un matériau comme la laque par exemple. J’ai également fréquenté des galeries à Hanoï. Les marges de progression et d’émergence d’un art différent restent énormes dans ces pays. Il faut dire que les différents régimes politiques n’ont guère favorisé la créativité. Cependant, l’œuvre de l’artiste vietnamien Bao Vuong est représentatif de cet art émergent.
La situation est très différente en Afrique où la créativité est énorme, et ce à partir de matériaux du quotidien.
J’envisage de voyager en Amérique latine, l’Argentine, le Pérou, entre autres, un voyage d’agrément et de découverte, l’idée sous-jacente étant de prendre contact avec des galeries, notamment à Buenos Aires.
Je suis en pourparlers avec l’Espace Temple, rue du Temple à Paris, pour mettre en place un partenariat, et j’ai commencé à travailler pour Les rencontres de la photographie à Arles.
Mon objectif à plus long terme est de trouver des artistes femmes, de soutenir leurs travaux de peintres, de photographes, etc. Et dans un an, d’attirer nos artistes dans des résidences afin qu’elles et qu’ils puissent en rencontrer d’autres.
Humanitelles : Afin de parfaire votre portrait, parlez-nous de votre première vie. Quelle est votre formation initiale ?
Florence Andreani : J’ai fait mes études à l’ISC (Institut Supérieur de Commerce de Paris). Dans mon mémoire, je démontrais qu’un jour les parfumeurs allaient se mettre à faire des produits de beauté. Une assertion qui s’est avérée vraie quelque temps après ! Parallèlement, pendant trois ans, j’ai effectué des enquêtes sur le terrain pour un grand groupe de tabac, mission que j’ai continuée à exercer pendant un an une fois mes études terminées. Cette expérience m’a été bénéfique. En effet, étant à l’époque de nature très réservée, elle m’a permis d’aller vers les autres.
Humanitelles : Votre parcours professionnel ?
Florence Andreani : A la recherche d’un emploi, je me suis tournée vers la fonction publique. J’ai commencé à travailler à la Ville de Paris pour le journal d’information des personnels. Les connaissances acquises pendant mes études en matière de marketing et de publicité se sont avérées précieuses. J’ai travaillé avec un ancien journaliste du Figaro. Je m’occupais de la partie budgétaire, j’ai mis en place le livret d’accueil et j’ai écrit quelques articles, cela pendant presque huit ans. Entre temps, j’ai passé un concours, mais je continuais tout de même à chercher du travail dans le privé, avec cependant une question latente : quid de mon avenir dans ce secteur après 45 ans ? Passer ce concours m’a garanti un travail, et m’a permis ainsi de faire face à une situation personnelle compliquée.
De retour d’un congé maternité, j’ai obtenu un poste de responsable de la formation des agents au sein du bureau des musées, comme je l’ai évoqué précédemment. Ensuite, je me suis lancée dans la préparation du concours de l’ENA, et même si je ne l’ai pas eu, je ne regrette pas cette expérience. J’ai beaucoup appris notamment dans les domaines du droit public, privé, international. J’ai ensuite rejoint la direction des affaires culturelles. Je suis partie à la découverte du monde des conservatoires, vivement intéressée par l’enseignement. Adjointe au chef de bureau, j’ai mené la réforme de la reprise des conservatoires dans le giron public en 2003/2004. J’ai également mis en place un tarif commun. La grille tarifaire que j’ai établie a duré six ans. Sa conception s’est faite en lien étroit avec les élu.e.s.
J’ai abandonné l’univers des conservatoires pour pénétrer dans celui des marchés publics. J’ai renouvelé tous les marchés d’avocats et d’huissiers.
J’ai quitté la Ville de Paris pour exercer à la mairie de Brunoy en qualité de directrice financière pendant quatre ans et demi. J’ai mis en place, entre autres, les autorisations de programme, et je me suis occupée de la gestion des immeubles simples et complexes.
Les dernières années de ma carrière ont été consacrées à l’audit des associations et des services de la ville de Paris. J’ai pu bénéficier d’une formation dispensée par la Cour des comptes, et j’ai dû rédiger un mémoire que j’ai présenté à l’université de Nanterre et qui a été validé.
Humanitelles : Merci d’avoir répondu à nos questions et longue vie à ArtEssFlow !
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