
Franchir la porte de la bibliothèque Claude Lévi-Strauss située dans le 19ème arrondissement de Paris offre, entre autres, la belle opportunité de rencontrer une partie de l’équipe animant le groupe de discussion féministe Les Agiteuses, équipe composée de six à sept personnes.
Humanitelles : Pourquoi Les Agiteuses ?
Les Agiteuses : L’origine du mot « Agiteuses » provient du besoin que les choses bougent. On essaye de faire en sorte que notre réflexion et notre façon de travailler ne soient pas figées. Avec la création du fonds féministe, nous avions l’idée de faire vivre les livres et leur contenu à part de l’écrit. Nous avons donc pensé une animation mensuelle, le groupe de discussion.
Une séance est organisée tous les mois, les thématiques abordant des sujets divers, avec toujours l’envie de bousculer, d’évoluer dans le sens de la discussion, du débat. Cette démarche se situe dans le prolongement de notre mission de service public d’apport d’informations, comme l’éducation aux médias, à la déconstruction des idées reçues, à l’échange d’idées.
L’animation des séances se fait à deux. En ce qui concerne leur préparation, chaque membre du groupe réfléchit de son côté avant la mise en commun des idées.

En 2024, les groupes de discussion ont permis d’aborder les sujets suivants :

Les sujets traités sont non seulement ceux qui intéressent les bibliothécaires mais résultent aussi des pistes données par le public. Les retours sont très bons.
Humanitelles : Quel est l’origine du blog ?
Les Agiteuses : Ce blog a été créé pour agréger des données sur un support pérenne, publier les bibliographies accompagnant les sujets traités lors des groupes de discussion, éviter de diffuser de l’imprimé, être un relais d’information et permettre aux utilisateurs d’avoir accès à l’information sans un intermédiaire. Par ailleurs, l’utilisation de X (anciennement Twitter) comme autre vecteur d’information s’est révélée une évidence.
Humanitelles : Quel est le type de public qui assiste à vos groupes de discussion ?
Les Agiteuses : Le public est composé d’une grande majorité de femmes âgées entre 30 et 40 ans, quelques-unes ont plus de 60 ans. Les moins de 30 ans sont rares. Elles habitent essentiellement dans le 19ème mais pas dans le quartier immédiat de la bibliothèque. Elles exercent souvent des professions intellectuelles. C’est en majorité un public d’habitué.e.s. Les sessions se remplissent vite. Les personnes sont prévenues par une infolettre, des articles publiés sur le blog et par des posts sur X.
Humanitelles : Comment se passent ces discussions ?
Les Agiteuses : Ces derniers temps, il y a eu moins de discussions. Les participant.e.s ont passé beaucoup plus de temps à nous écouter, à prendre des notes. Le temps de préparation des séances et notre temps de parole sont devenus trop importants. Cet état de fait ne nous convient pas. Les bibliothécaires n’ont pas vocation à produire un exposé. L’information est là, elle existe, elle se vérifie. Notre rôle est d’aider le public à y accéder.
Il existe un autre format de soirée de trois heures. Nous organisons plein de petits ateliers – que nous piochons dans les outils de l’éducation populaire – que nous organisons en parcours dans la bibliothèque. Nous accueillons ainsi un public plus nombreux et plus diversifié. Nous mettons en place ce même format pour la nuit de la lecture (janvier) et dans le cadre de la semaine de lutte contre les discriminations (octobre).
Humanitelles : Une réflexion est-elle en cours pour faire évoluer ce groupe ?

Les Agiteuses : Nous voulons réaliser des ateliers participatifs sur le modèle de l’éducation populaire et supprimer la partie « exposé ». Afin de mieux nous adresser à toustes, nous souhaitons abandonner petit à petit le terme de « féminisme », qui est parfois un frein aux échanges. Ce terme, chargé d’une histoire, peut évoquer des femmes blanches, bourgeoises, et parfois engendrer des réactions de rejet : « Le féminisme, ça n’est pas pour moi ». Nous allons donc plutôt parler des femmes et ainsi utiliser des termes qui vont parler à plus de gens.
Les bibliothécaires sont présentes dans des évènements hors-les-murs. Dans ce cadre, elles s’adressent aussi à des enfants. Parler aux enfants est un moyen d’aborder les parents. Il est important que tout le monde s’y retrouve. D’autant plus que les gens ne se saisissent pas forcément facilement de l’espace institutionnel. Les endroits avec des livres, les codes à utiliser quand on rentre dans la bibliothèque par exemple, tout cela peut être un peu écrasant.

Humanitelles : Y a-t-il un sujet qui vous tient particulièrement à cœur et que vous aimeriez aborder ?
Les Agiteuses : Oui, notre partenariat avec l’ESAT Raillion (Établissement et service d’accompagnement par le travail) mis en place depuis trois ans. Le projet émane de la personne chargée de la formation et notre collègue en charge des partenariats.
La première année, la personne en charge de la formation a proposé d’organiser au sein de l’ESAT un cycle autour de « Santé sexuelle, vie affective et amoureuse ». Il nous a été proposé d’animer des ateliers sur la vie affective et amoureuse. Il y a eu trois ateliers. L’expérience a été positive, et pour eux et pour nous. Elle a été le révélateur d’un vrai besoin de dire, de revendiquer. L’année suivante nous avons réalisé avec l’ESAT des ateliers autour des discriminations. Cela a donné lieu à un deux ateliers pancartes. A l’issue de ce cycle, et à l’occasion de la semaine de lutte contre les discriminations, une soirée a été organisée à la bibliothèque autour de « Femmes et handicaps ». Durant cette soirée plusieurs ateliers ont été proposés, et notamment un atelier où les auteurices des pancartes exposaient et expliquaient le contenu de leurs pancartes.
Plus tard, à l’occasion du 8 mars, un petit groupe a assisté à une table-ronde intitulée « Femmes en marges ». Cette soirée a permis l’organisation de rencontres entre les travailleurs et travailleuses de l’ESAT et une des intervenantes, et a débouché sur une interview radio d’une des invitées.
Cette année, le groupe va construire un plaidoyer sur les thématiques de l’école, de la famille et du travail. Le but est qu’iels puissent parler de leurs propres expériences, par exemple du vécu dans leur famille. Nous nous occuperons simplement de transcrire leurs dires, mot pour mot. Ce sera à eux de décider de l’utilisation de ce plaidoyer.
Ce partenariat a permis de créer un lien fort entre les travailleurs et travailleuses et la bibliothèque. Certain.e.s d’entre elleux viennent souvent.
Le livre n’est qu’un des aspects de notre métier. Il ne représente pas la moitié de nos activités. Ce sont les relations avec les gens qui s’avèrent vraiment intéressantes.
Humanitelles : Vos projets ?
Les Agiteuses : En 2025, nous réfléchissons à animer un atelier d’écriture et de poésie, et nous espérons de nouveaux partenariats !

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